Avez-vous déjà réfléchi à tous les prestataires disponibles pour faire avancer une entreprise ? Mais alors, pourquoi embaucher ? Quels paramètres prendre en compte ?
C’est de ces thèmes que traite cet article qui insiste sur le caractère nécessairement mondial d’une entreprise développant de nouveaux médicaments (même si elle est toutes petites et loin des centres mondiaux de l’innovation médicale).
Il existe un prestataire externe pour chacun des besoins de la biotech
Il existe aujourd’hui tout un écosystème de prestataires (on parle généralement de « CRO » pour « Contract Research Organization ») qui se proposent de réaliser un grand nombre d’opérations de R&D pour des laboratoires pharmaceutiques ou des entreprises de biotechnologie de toutes tailles.
On peut donc construire une biotech avec un nombre très limité d’employés (quelques dizaines tout au plus) pour découvrir puis développer des nouveaux médicaments.
Imaginons notre Future Therapeutics (pour reprendre le nom de notre biotech fictive issue de la série » Les stades de la vie d’une biotech « ) en mode virtuel : l’équipe fera appel à une première CRO pour découvrir des anticorps monoclonaux (par exemple), à une autre pour réaliser les expériences permettant de réaliser la preuve de concept préclinique du potentiel thérapeutique de la molécule. Ces expériences pourront même avoir été designées par un consultant externe. Ensuite, une ou plusieurs CDMO (« Contract Developement and Manufacturing Organization ») seront recrutées pour réaliser le « développement » de cette molécule (la montée en échelle des méthodes de production, ainsi que la documentation permettant de se réclamer de la qualité « Bonne Pratique de Fabrication » (ou GMP, pour Good Manufacturing Practice, en anglais)). De nouvelles CRO réaliseront les expériences permettant de compléter le dossier de demande d’autorisation pour réaliser des essais cliniques chez l’humain. Le design de ses études (et le suivi des CDMO), puis celui des essais cliniques pourra être confié à des consultants. Les essais cliniques en eux-mêmes seront conduits sous la surveillance d’une CRO clinique, une autre gérant la rédaction des documents « cliniques », une autre l’analyse statistique des résultats et encore une autre gérant l’archivage des échantillons biologiques prélevés sur les patients.
Si Future Therapeutics n’entend pas porter le développement clinique jusqu’à la demande d’autorisation de mise sur le marché, elle pourra confier à un cabinet de business development la mission de trouver un tiers intéressé par l’acquisition d’une licence du produit. Les négociations se feront alors avec l’aide de cabinets d’avocats spécialisés.
Pendant ce temps, les employés de Future Therapeutics bénéficieront des prestations de gestion des ressources humaines d’une DRH freelance travaillant à temps partiel. La paie sera gérée par une société externe, de même que le support informatique ou le ménage des bureaux. Les finances de l’entreprise seront sous la responsabilité d’un directeur financier à temps partiel, lui aussi freelance, en collaboration avec un cabinet d’expertise comptable et, éventuellement, un commissaire aux comptes.
Les recrutements auront été en grande partie confiés à un cabinet de recrutement (dit aussi cabinet de « chasseurs de têtes », ou encore, dans la jolie novlangue managériale du 21ème siècle, « talent acquisition firm »).
Les questions de propriétés intellectuelles seront confiées à un cabinet spécialisé et celles de communication à une agence de communication qui créera les supports de présentation PowerPoint, concevra et maintiendra à jour le site internet de Future Therapeutics et rédigera ses posts LinkedIn. L’agence rédigera aussi les communiqués de presse qui seront diffusés lors du franchissement d’étapes importantes pour l’entreprise, comme les levées de fonds. Ces dernières pourront être confiées, en grande partie, à un « leveur » qui se chargera de trouver et de convaincre des investisseurs de participer à la croissance de l’entreprise. Idem pour l’entrée en bourse mais avec l’arrivée de banques d’affaire en renfort du leveur.
Finalement, quand sera venue l’heure de vendre l’entreprise à un gros laboratoire pharmaceutique, ces mêmes banques d’affaire (et les avocats qui sont partout dans la vie de l’entreprise) se chargeront de trouver des acheteurs potentiels, de négocier avec eux et de faire monter les enchères en échange d’une commission sur le montant de la vente (souvent autour de 5%).
En un mot : il existe des prestataires et autres consultants pour quasiment tous les domaines d’une biotech. Alors pourquoi embaucher des gens ? Pourquoi ne pas se contenter de gérer des contrats de prestation et de garder l’entreprise à sa taille minimale ?
Pourquoi embaucher des gens malgré tout ?
Avant toute chose, un continuum de stratégies sont possibles entre le « minimalisme radical » et l’embauche compulsive et on n’est évidemment pas obligé de choisir l’un ou l’autre.
On peut néanmoins identifier quelques raisons d’aller vers l’un ou vers l’autre. En fonction de la stratégie d’entreprise qu’on a choisie, tout d’abord. Si vous avez décidé de développer un produit et un seul, le type « virtuel » est bien adapté.
En effet, votre biotech va suivre un chemin avec des phases très distinctes qui requerront des compétences elles aussi bien distinctes.
L’expertise scientifique nécessaire pour faire la preuve de concept préclinique de votre produit ne sera plus utile une fois qu’il sera entré en phase de développement et l’expertise du développement préclinique ne sera plus utile une fois démarré la phase clinique du développement. Dans ce contexte, il vaut peut-être mieux ne pas recruter des personnes qui seront nécessaire seulement pendant 1 an ou 2.
De la même manière, outre les employés, les équipements nécessaires pour réaliser les étapes précliniques ne seront plus utilisés pour la suite du développement. Ce n’est donc probablement pas une utilisation idéale du capital mis à disposition par les investisseurs.
A l’inverse, si vous avez une « plateforme technologique » qui permet de découvrir de nombreux nouveaux candidats médicaments, les différentes phases de développement des produits vont se répéter et il sera possible de construire et de développer une véritable expertise interne sur ces sujets, justifiant l’embauche de personnel et l’investissement dans des équipements spécifiques.
Dans certains cas, le marché de l’emploi s’impose à vous. En fonction d’où vous avez lancé votre biotech, il peut être plus ou moins facile de faire venir des personnes expérimentées. Si vous me lisez depuis Poitiers, pardonnez-moi pour l’exemple choisir mais il me semble que le potentiel est légèrement différent entre Boston et Poitiers pour trouver ou faire venir des employés experts du développement de médicaments…
Il y a aussi des questions de styles d’entrepreneurs. Certaines personnes sont des managers nés, d’autres moins. Si vous êtes dans la deuxième catégorie, gérer des contrats de prestation plutôt que des employés peut s’avérer plus confortable et efficace pour tout le monde !
Conclusion :
Il n’y a pas un modèle d’entreprise unique. Il faut savoir adapter la forme de votre biotech à votre appétence au management et à la construction d’entreprise, à la stratégie de développement (produit unique ou plateforme technologique) et au bassin d’emploi dans lequel vous vous trouvez.
Néanmoins, quand on regarde l’écosystème actuel de prestataires divers et variés, il me semble qu’il vaut mieux externaliser les expériences standardisées (comme celles nécessaires à l’obtention de l’autorisation de réaliser des essais cliniques) mais garder et développer en interne l’expertise spécifique (unique) à votre entreprise. Lorsque vous créez une vraie valeur ajoutée par rapport aux prestataires génériques, c’est une force qu’il serait dommage de ne pas cultiver.
Cet écosystème permet aussi à une biotech de Poitiers (je n’ai rien contre Poitiers !) de bénéficier d’équipements et d’expertises qu’il aurait été très compliqué de développer sur place.
Le terrain de jeu pour développer des médicaments est mondial. Il va des Etats-Unis au Japon, en passant par l’Europe et la Chine. C’est à vous d’adapter le développement de votre entreprise pour tirer le maximum des ressources et expertises disponibles localement, comme de celles qui se trouvent à l’autre bout de la planète.