Des essais de phase II ? kézaco ? Une AMM ? Pour y voir un peu plus clair sur les objectifs des différentes phases des essais cliniques, le nombre de patients impliqués et les coûts engagés mais aussi sur les procédure pour demander l’autorisation de vendre votre médicament (l’AMM ou « Autorisation de Mise sur le Marché) : vous êtes au bon endroit !
Remarque : cet article est le troisième d’une série sur les grandes étapes du développement d’un médicament dans une biotech. Si vous ne les avez pas déjà lus, vous devriez peut-être commencer par l’article 1 et l’article 2.
Vous pouvez aussi aller directement sur l’article qui couvre le thème qui vous intéresse en cliquant ci-dessous :
- Obtenir une preuve de concept expérimental.
- Obtenir un candidat médicament
- Démarrer les essais cliniques
- Obtenir une preuve de concept clinique
- Obtenir l’autorisation de mise sur le marché
- (éventuellement) L’expansion du pipeline
- (éventuellement) l’entrée en bourse
- (éventuellement) La commercialisation
- Le rachat de l’entreprise ou la vente de son candidat médicament
Dans l’article précédent, notre biotech (que je propose d’appeler « Future Therapeutics ») a donc terminé son essai clinique de Phase I et peut décider de s’en tenir là en confiant son candidat médicament à une autre entreprise ou bien continuer elle-même le développement clinique.
Future Therapeutics est très ambitieuse et souhaite donc poursuivre le développement de son candidat médicament qu’elle appelle FT-001. Dans cet article on traitera donc des points 4 et 5.
Si les résultats sont très encourageants, l’entreprise devrait pouvoir obtenir les financements nécessaires pour conduire les essais cliniques suivants, dits de Phase II. A ce stade, on va chercher à démontrer l’efficacité du candidat médicament, sans forcément avoir encore l’obligation de se comparer à d’autres médicaments. Pour faire simple, en Phase II on démontre que le produit à un effet thérapeutique, en Phase III, on démontre qu’il fonctionne mieux que le médicament utilisé en standard.
Le nombre de patients qui seront « recrutés » dépend de considérations statistiques : combien faut-il de patients pour démontrer, d’une manière « statistiquement significative » que le produit a une effet thérapeutique (pour la phase II) ou bien qu’il a une efficacité supérieure au traitement standard (pour la phase III). Cela varie donc en fonction de la pathologie considérée et de l’intensité attendue de l’effet thérapeutique. On peut considérer, pour généraliser, que les essais de Phase II comprendront quelques centaines de patients et les essais de Phase III quelques milliers.
Comme pour les essais de Phase I, il faut demander une autorisation d’essai clinique à chaque fois, en la justifiant sur la base des résultats obtenus, des procédés de fabrication mis en place et en présentant le plan détaillé de l’essai (nombre de patients, plan de traitement, types d’analyses, localisation des centre investigateurs, etc.)
Le coût des essais cliniques
Le coût de ces essais augmente évidemment avec le nombre de patients. Il faut payer les infirmiers et médecins qui s’occupent des patients, payer les analyses nécessaires, payer les employés ou les sous-traitants (CRO) qui gèrent le déroulé de l’essai clinique et le traitement des données et surtout produire le médicament et documenter les méthodes de production avec le niveau de qualité (très élevé) exigé pour les médicaments.
Le coût de ces essais est aussi fonction de la pathologie et du nombre de patients recrutés mais pour donner un ordre de grandeur, on peut estimer qu’un essai de Phase II coûte plusieurs dizaines de millions d’euros et plus (parfois bien plus) de cent million d’euros pour un essai de Phase III.
Comme pour les premières étapes de la vie de Future Therapeutics, pour obtenir les financements nécessaires, (en échange d’actions du capital de l’entreprise) il faut démontrer aux investisseurs potentiels que le produit à une chance raisonnable de succès thérapeutique et un futur positionnement dans l’arsenal thérapeutique qui lui permettra une rentabilité financière. A nouveau, la validation par les paires, via des articles scientifiques et/ou des présentations lors de congrès médicaux, est un facteur important pour convaincre des investisseurs.
Demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM/MA, NDA, BLA)
AMM : Autorisation de Mise sur le Marché ; MA : Market Authorisation (terme UE) ; NDA : New Drug Application (terme US, pour les petites molécules chimiques) ; BLA : Biological License Application (terme US, pour les produits biologiques (anticorps et autres)).
Si la phase III est un succès (félicitations !), une autorisation de mise sur le marché est demandée, sur la base de l’IMPD (le dossier du candidat médicament) qui rassemble l’ensemble des données générées depuis les premiers essais chez l’animal jusqu’au essais de Phase III, en passant par le dossier décrivant les méthodes de fabrication conformes aux normes dites des « bonnes pratiques de fabrication » (BPF ou GMP en anglais pour good manufacturing practices). Ce dossier contient des milliers et des milliers de documents.
Ce dossier est à déposer dans chaque pays où l’entreprise souhaite pouvoir vendre son médicament, avec des différences éventuelles dans la composition ou la structure du dossier suivant les pays. L’étude de ce dossier gigantesque va impliquer la mobilisation de ressources importantes, y compris pour l’inspection obligatoire de l’usine en charge de la fabrication du produit. On peut se représenter le coût de l’analyse de ce dossier IMPD au regard du paiement demandé pour avoir le droit de le soumettre aux agences sanitaire. Aux Etats-Unis, par exemple, il faut s’acquitter d’un paiement de plus 3 millions de dollars.
Vos équipes restent mobilisées une fois le dossier soumis car il faut pouvoir répondre au plus vite aux questions que les inspecteurs vont inévitablement poser. Ces questions peuvent porter sur l’ensemble des documents fournis, c’est donc quasiment l’ensemble de Future Therapeutics qui reste en alerte.
Ceci explique d’ailleurs pourquoi pour les biotech, mais souvent aussi pour les plus grosses structures, le médicament n’est pas lancé dans le monde entier au même moment, mais bien de manière séquentielle.
Pour que le médicament soit disponible dans le monde entier, il faudra présenter un dossier similaire (mais avec des variations locales) dans chaque pays où l’on souhaite le commercialiser.
Dans la plupart des pays, une fois l’autorisation obtenue, il faudra encore négocier le prix et les conditions de remboursement.
Ces procédures administratives demandent une énergie, des équipes et des capitaux conséquents et les Big Pharmas restent les championnes dans ce domaine. Selon toute probabilité, Future Therapeutics choisira uniquement un marché sur lequel gérer elle-même ces étapes et licenciera son produit à une ou des autres entreprises pour les autres zones/pays.
Dans les prochains articles nous regarderons plusieurs scénarios : Future Therapeutics commercialise son produit (il faut que je trouve un nom… FT-001 était le nom de code, il faut maintenant un vrai nom de médicament !), ou au contraire, FTx (le petit nom de Future Therapeutics) était un « one trick poney » (un fusil à un coup) qui va donc chercher à se vendre, ou encore : FTx est là pour durer et doit donc développer de nouveaux médicaments.
A bientôt !