Une nouvelle annonce de suppressions d’emplois dans la recherche pharmaceutique en France
Le 4 avril 2024, BFMTV annonçait que Sanofi s’apprêtait à abandonner la plupart de ses projets en oncologie et supprimait en conséquence 1200 emplois dans le monde dont 330 en France.
L’annonce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour les employés concernés mais je pense qu’il est possible que ce soit à terme une bonne nouvelle pour la recherche biomédicale en France.
Sanofi et l’oncologie
L’oncologie n’était plus un point fort de Sanofi depuis un certain temps déjà. Pour s’en convaincre il suffit d’avoir en tête les faits suivants :
En 2023, Sanofi commercialisait seulement 3 médicaments en oncologie : SARCLISA, approuvé en 2020, 381M€ de ventes (en hausse), JEVTANA, approuvé en 2010, 320M€, en baisse suite à l’entrée des génériques sur le marché en 2021 et ZALTRAP (développé avec Regeneron), dont les ventes sont non significatives pour Sanofi qui ne donne plus de chiffres spécifiques pour ce produit depuis 2018 (le dernier chiffre de ventes connus est de 75M€ en 2017). Si on ajoute les redevances versées par Regeneron a qui Sanofi a rendu LIBTAYO en 2022, on arrive à moins de 2,5% des ventes de Sanofi (43,1 Mds en 2023) réalisées en oncologie.
Sanofi n’est pas totalement sorti de l’oncologie mais, en regardant le portefeuille de produits en développement de Sanofi (à la date du 13 juillet 2024), on constate que cette activité n’est effectivement plus prioritaire. Sur un total de 77 produits en développement, seuls 7 programmes novateurs (non déjà approuvés par ailleurs) concernent l’oncologie, et ils sont tous en phase 1, donc à au moins 5 ans d’une potentielle mise sur le marché (dans le meilleur des cas). Parmi ces 7 programmes, 4 sont conduits en partenariats avec d’autres entreprises.
Sanofi ne distingue pas ses dépenses en R&D en fonction de l’aire thérapeutique, mais il annonçait en octobre 2023 (voir p30 du document) qu’il espérait économiser 700M€ par l’arrêt des programmes d’oncologie. On peut donc imaginer que Sanofi dépensait jusqu’à présent plus de 700M€ par an pour des ventes de moins d’1 Mds et sans perspective de nouveau produit commercialisé avant au moins 5 ans…
J’en conclus que le rendement de la R&D de Sanofi en oncologie était particulièrement mauvais.
Je ne pense pas que ce soit parce que les membres de cette R&D sont mauvais mais je suis persuadé qu’une organisation de 86 000 employés (!!!) n’est pas compatible avec une R&D créative et efficace. Ça sera probablement le sujet d’un post dans le futur.
Quel impact sur l’écosystème de la recherche biomédicale française ?
Après cette longue introduction, venons-en à la thèse que je veux défendre : cette décision de Sanofi de sortir de l’oncologie et les suppressions de postes qui vont avec ont toutes les chances d’être une excellente nouvelle pour la recherche biomédicale en France.
Comme je le disais déjà dans la conclusion de cet article, la « libération » d’employés expérimentés dans l’écosystème de startups est, à mon sens, positif.
Certes, c’est un événement éminemment stressant pour ceux qui le subissent mais, dans leur malheur, les salariés de Sanofi se trouve dans un bassin d’emploi particulièrement dynamique et avec une offre de transport qui permet d’envisager de changer d’emploi sans forcément devoir déménager.
Pour rappel, les startups du secteur « sciences de la vie » ont obtenu plus de 970M€ d’investissement en 2023, après un record de 1,4Mds (!) en 2022. Et « la région Île-de-France représente 62% des investissements en valeur en 2023 » (source : Baromètre EY du capital risque en France – Bilan annuel 2023).
Source : Baromètre EY du capital risque en France – Bilan annuel 2023
Parmi ces futurs offres d’emploi, un bon nombre émaneront de startups, plus ou moins avancées, qui recherchent justement pour leur développement des profils avec des compétences éprouvées. Sanofi a (bien) formé ces employés pendant des années. Ils ont l’habitude de travailler de manière organisée, de voir les choses sur le long terme. Beaucoup ont une expérience dans le management d’équipe et tous ont l’habitude de faire du « reporting » sur leurs activités. Pour les plus âgés d’entre eux, ils ont vécu plusieurs « modes » scientifiques et auront certainement une vision plus terre-à-terre sur les dernières technologies à la mode.
Conclusion
En un mot comme en cent, les personnes qui doivent quitter Sanofi aujourd’hui sont une ressource pour l’écosystème de l’innovation biomédicale. Cet écosystème saura, à n’en pas douter, mettre à profit l’expérience et les compétences qui deviennent disponibles, pour le bien des patients dans le futur.